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Le corps et la danse

La danse contemporaine n’aime pas les « poupées Barby », la beauté lisse et stéréotypée, aseptisée, conventionnelle ; elle cherche la vie, les doutes, les passions au cœur de l’intime, des émotions, des entrailles ; elle cherche dans les corps, dans leurs mouvements, ce qui sourd ou jaillit, ce qui interroge, ce qui surprend, ce qui dérange, laissant derrière le sillon des danseurs, quelques images fulgurantes, plus frappantes que de longs discours, ou une maturation lente, des souvenirs qui distillent leur miel…

La danse contemporaine accepte tous les corps, dans leur humanité. Les corps gros, déformés, mutilés, âgés… Souvenez-vous du rayonnement des personnes âgées dans les chorégraphies de Pina Bausch comme Kontakthof, ou les Trois générations de Jean-Claude Gallotta… Souvenez-vous de l’Itinéraire d’un danseur grassouillet de Thomas Lebrun, de l’époustouflant danseur David Toole, néanmoins cul de jatte !

C’est cela et bien d’autres choses que nous rappelle Maguy Marin dans sa chorégraphie emblématique May B, présentée à Davézieux ans le cadre du festival Danse au fil d’avril. 35 ans après sa création elle garde son impact magistral et dérangeant ! Ces corps vieillis, enlaidis sous leur gangue d’argile qui peu à peu farinera le sol pour laisser émerger des identités. Le choc de cette masse mouvante, grimaçante, de ces souffles, ces halètements, de ces corps violents ou lubriques qui s’arrachent au groupe, errent, tanguent, entêtés, chargés des destinées humaines.

La présence des corps dans la danse contemporaine, Guy Delahaye en fait une magistrale interprétation personnelle, sensuelle, dans son exposition Eros et la danse (photos saisies dans différentes chorégraphies et présentées à la biennale de Venise en 2007). Une superbe exposition, à fleur de peau, au plus près des corps, qui émergent des noirs profonds, en cadrages serrés, avec tout leur poids de chair et leur charge d’émotion. Ils se courbent, se tendent, les langues se délient, au propre et au figuré, les seins se dénudent, sans tartufferie. Une exposition sensuelle et sans doute pas consensuelle… Occasion de se questionner sur les raisons de certaines réactions de gêne : pourquoi les images de violence, d‘hémoglobine, de corps torturés qui ont envahi les films et les médias, dérangent-elles moins que celles des corps dans leurs pulsion de vie, dans leur vérité humaine, dans leur beauté ? Une résurgence puritaine de nos trois religions monothéistes qui bénissaient les armées ? (Et dont le dévoiement des textes fondateurs arme encore les extrémistes…) Sainte laïcité !

L’art n’est-il pas là pour déranger, détourner, transcender, troubler, faire sourdre les tréfonds ? L’artiste nous renvoie des morceaux du monde, de notre humanité, à travers le prisme de son regard… Eros et la danse, une exposition à ne pas manquer, à l’Espace Envol de la FOL à Privas, jusqu’au 13 mai 2015. Annie Sorrel

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